Tu sais l'image que je retiens de cette drôle de terre perdue entre Normandie et Bretagne ? Une palette de couleurs. Tout y est : le bleu, le rouge, l'ocre, le jaune, le vert, le violet. Toutes les couleurs du monde sont dans ce lopin de terre que je ne considère ni Normand, ni Breton, mais bel et bien d'un autre monde : celui d'une petite Irlande qui s'est perdue en France.
Je me suis rendu sur évidemment pas dans toute la Manche, mais uniquement sur la Presqu'Île entre la Baie des Veys et Flamanville, parce que oui, en hiver sur cette période, cette terre redevient presque une île.
Tout ici ressemble à un melting-pot de lieux, d'architectures et de paysages fabuleux : des marais, des falaises, des bocages, de la dune, des plages tantôt blanches, tantôt noires, tantôt roses. Cherbourg n'est pas forcément une halte attendue, La Hague n'est pas forcément un Havre charmant, Flamanville a cette image de poubelle nucléaire à éviter... Donc personne ne se rend là haut. Il pleut, il vente, il grêle, mais c'est aussi oublier à quel point la Région a son histoire, son micro-climat, et surtout ses lieux méconnus qui ne demandent qu'à être découverts...
Au guidon d'une fidèle 1050 V-Strom qui a rempli son rôle d'aventurière avec brio, j'aurais croisé peu de personnes sur ma route. Encore moins de touristes que d'étrangers anglais et allemands qui se demandaient bien ce que je foutais avec tout mon barda. Et tant mieux ! Tu n'imagines même pas à quel point il est ressourçant de se retrouver seul face à ce drôle de monde. Perdu entre tradition et modernité, histoire tragique de la Seconde Guerre Mondiale et rites celtiques, petits murets de pierres taillées et énormes phares, courants et vents dangereux face à la quiétude des vaches qui pâturent. Je pense avoir redécouvert quelque chose qui me semblait totalement enfoui : un supplément d'âme, le sentiment d'avoir découvert le bout du Monde Connu.